Un film audacieux.

Minute Rédigée par Frédérique Doucet

 

La Havane 1995. Après l’effondrement de l’Union Soviétique l’île de Cuba, abandonnée à elle-même, vit ou plutôt survit pendant ce qu’on appelle « la période spéciale ».

Les magasins sont vides, les estomacs aussi. Les coupures d’électricité interviennent à tout moment, généralement les moins opportuns ! Les contrôles se multiplient pour empêcher trafics divers, marché noir et autres combines permettant d’alléger la difficulté du quotidien.

Pour illustrer cette situation, le cinéaste Jhonny Hendrix Hinestroza fait un choix osé. Ses deux héros sont non seulement des gens très ordinaires, mais de plus, ils sont vieux et malades. En effet, Candelaria et son mari Victor Hugo forment un couple mixte, marié depuis des années. Le réalisateur n’hésite pas à déstabiliser le spectateur en filmant leurs corps, abîmés par le temps. Car la vie continue. La silhouette de la vieille femme est à l’image de l’île.  Elle a été jeune, belle et forte mais elle s’est dégradée sous le poids des années, des luttes, de la routine et des privations aggravées par la crise. Cependant, il faut aller de l’avant, sans baisser les bras.

Candelaria travaille à la lingerie d’un hôtel. Pour gagner un peu d’argent supplémentaire et assouvir une passion, elle se produit aussi dans un bar où elle chante.

Un jour, dans les bacs où l’on recueille le linge sale de l’établissement, tombe une caméra vidéo – celle d’un client étranger – et Candelaria la récupère. À partir de là, beaucoup de choses vont changer dans la vie du vieux couple. Comme nombre de leurs compatriotes, ces vieux mariés ont une attitude ambivalente face à la pauvreté. Je l’appellerai, faute de mieux, résignation active. Peut-être est-ce une séquelle de la Révolution, mais le sens du combat ne quitte pas les habitants de Cuba. Ils font preuve d’une inventivité extraordinaire quand il s’agit de trouver des solutions à leurs problèmes. La caméra vidéo sera peut-être la solution pour Candelaria et son époux. Quand on filme la vie, on lui donne une autre dimension.

C’est pour l’auteur une façon de s’interroger sur la situation des cubains à ce moment terrible de leur histoire. Jusqu’où sont-ils prêts à aller pour sortir de la misère ? Quels sacrifices consentir, quelles limites ne pas dépasser ?

C’est une œuvre atypique qui bouscule les habitudes des spectateurs accoutumés aux discours plus faciles et aux héros plus glamour. À l’image de la vie, le film nous malmène nous dérange, nous perturbe, nous conduisant, le plus souvent, du rire aux larmes.

Candelaria, film cubain de Jhonny Hendrix Hinestroza, sorti en salle en mars 2018.

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