Franchir la ligne

Minute rédigée par Frédérique Doucet

 Il a l’air d’un adulte mais, dans sa tête, il n’est encore qu’un gamin, à peine un adolescent mal dégrossi. Il s’appelle Bruno et trouve que « travailler c’est bon pour les imbéciles ». Il se débrouille très bien en volant des câbles de cuivre ou des bijoux les jours de chance, des sacs à main ou autres larcins de moindre valeur les jours néfastes. Deux acolytes de quatorze ans qui se prennent pour des grands sont à ses ordres. Tout va bien pour lui « côté professionnel ».

Dans sa vie privée, il a une compagne, Sonia, qui vient tout juste de mettre au monde leur fils Jimmy. Elle aussi est une gamine, mais la maternité l’a mûrie.

Bien qu’il aille avec Sonia reconnaître leur enfant, Bruno n’est pas vraiment conscient de son rôle de père. Tout ce qui l’intéresse c’est l’argent. Aussi, quand une recéleuse lui dit qu’il y a des gens qui payent bien pour avoir un bébé, cette idée fait son chemin dans sa tête.

Il attend le moment propice puis passe à l’acte. Quand il rejoint Sonia et qu’elle l’interroge sur l’enfant il lui dit, tout de go, qu’il l’a vendu, ils n’auront qu’à en faire un autre. La réaction de Sonia est terrible et surprend Bruno. Elle a beau être jeune, elle ne considère pas un enfant comme une marchandise interchangeable.

Bruno, dans son manque de réflexion et de responsabilité, a franchi une ligne qui va détériorer irrémédiablement sa relation et sa vie. Il n’aura de cesse de rattraper son erreur, mais cela va l’entraîner dans un engrenage dont il gardera des cicatrices.

Finalement, n’est-ce pas un mal pour un bien ? Cette cicatrice est la mémoire vive de sa faute, elle va l’aider à prendre conscience de la gravité de ce qu’il a fait et aussi à vouloir s’amender.

Il serait difficile d’en dire plus sans dévoiler le film. L’enfant, comme toutes les autres œuvres des frères Dardenne, n’est pas un film déprimant. Malgré son thème grave, il est réaliste, dur, mais pas lugubre. On sent toujours une lueur d’espoir. Si petite soit-elle, elle est là au fond des êtres et les aide à revenir vers un avenir plus positif, même s’il est encore incertain.

Luc et Jean-Pierre Dardenne, L’enfant, palme d’or à Cannes 2005.

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