Alejandro Jodorowsky : poète à tout prix

Minute rédigée par Frédérique Doucet

       index     Dans une interview accordée à Mouloud Achour, Alejandro Jodorowsky déclarait ceci, avec son accent chilien tellement typique : « Je n’ai jamais arrêté de faire du cinéma, mais 20 années, 23 années, je l’ai fait mentalement ».

            À 87 ans et malgré son immense notoriété, Alejandro Jodorowsky reste l’insoumis qu’il a toujours été et refuse de faire du cinéma commercial dont les lois sont dictées par les producteurs. C’est pourquoi il n’a pas tourné pendant 20 ans, le temps d’économiser l’argent nécessaire au projet ambitieux qu’il nourrissait, une trilogie dont nous avons pour le moment les deux premiers volets. Encore ses économies n’ont-elles pas suffit, il a dû faire appel au financement participatif (crowdfunding). Ses deux derniers films doivent donc beaucoup à l’enthousiasme actif de ses admirateurs désireux de voir, enfin, un nouveau Jodorowsky.

            C’est ainsi que trois ans après La danza de la realidad, où il nous parlait de son enfance et nous racontait le chemin de rédemption de son père, Alejandro Jodorowsky poursuit son autobiographie baroque et colorée en nous contant son adolescence et sa jeunesse dans Poesía sin fin.

            Dans ce deuxième opus, l’affrontement avec son géniteur n’est pas terminé, loin s’en faut. Ce dernier, toujours violent et matérialiste, ne comprend pas la passion de l’adolescent pour la poésie et arrache brutalement le livre de Lorca qu’Alejandro déclame avec ferveur. Être poète, ce n’est pas un métier, c’est une déchéance qui conduit à mourir de faim ou, pire encore, à devenir homosexuel. La virilité paternelle ne saurait supporter cette honte. Alejandro doit donc bûcher ses livres de biologie, car il sera médecin. Mais le jeune homme est rebelle. Grâce à son cousin – qui lui, malheureusement, ne saura ni affronter ni s’opposer à la volonté de son propre père – il va rencontrer son premier cercle d’artistes et prendre, pour la première fois, de la distance avec ses parents.

            C’est une vie nouvelle qui s’ouvre à lui, atypique, outrancière, excessive, difficile. Il multiplie les expériences artistiques. Passe par des périodes d’exaltation et de sombre découragement. Connaît l’amitié, la solidarité mais aussi l’affrontement et la désillusion. Il se cherche, veut savoir qui il est vraiment, faire tomber le masque (symbole qui revient dans tout le film). C’est dans la rupture qu’il se trouvera.

            Poésie, humour, amour, drame, émotion illuminent ce chef d’œuvre d’une beauté éblouissante, qui marque comme un rêve, dont on se souvient encore au réveil, et qu’on voudrait refaire.

Alejandro Jodorowsky, Poesía sin fin, film chilien sorti en salle le 5 octobre 2016

Vous aimerez aussi...