Un thé sur le sable

Minute rédigée par Frédérique Doucet

Il en est des quatrièmes de couverture comme des vêtements dans une vitrine : tel vous séduit qui vous déçoit quand vous l’essayez, tel autre au contraire ne vous dit rien, vous n’avez même pas envie de le tester. Quand, après mûre réflexion, vous vous décidez à le faire, vous êtes conquis. C’est ce qui m’est arrivé récemment avec deux romans que l’on m’avait prêtés parmi cinq ou six autres. Comme ils ne me faisaient pas envie, je les ai gardés pour la fin puis, répugnant à les rendre sans les avoir lus, je me suis lancée.

Ce furent deux bonnes surprises. Les ouvrages abordent le thème du passé et de la marque indélébile qu’il laisse sur leurs auteurs, le traitement qu’ils en font est, cependant, fondamentalement diffèrent.

Dans le roman de Stéphane Guibourgé La première nuit de tranquillité en grande partie autobiographique, le passé est synonyme de souffrance. Enfant adopté, il s’est toujours senti en porte à faux dans sa famille et, plus encore, lorsque sa condition lui fut révélée. Savoir qui était sa mère biologique,  pourquoi et dans quelles conditions  elle l’avait abandonné, fut une quête douloureuse et fragilisante. Cela le conduisit à mener sa vie comme une fuite en avant dans l’Inde lointaine et le monde du thé qui devait devenir son monde professionnel et obsessionnel. C’est un livre profond et délicat, triste et poétique dans lequel Stéphane Guibourgé nous livre sa douleur avec une pudeur et une retenue émouvantes.

Le roman de Chantal Thomas, Souvenirs de la marée basse, est lui aussi autobiographique mais le ton en est tout différent : léger, ensoleillé, mouillé par les embruns. Car le fil directeur est l’amour de l’eau et surtout de l’océan. C’est le lien qui la relie à sa famille et en particulier à sa mère, même quand leur cohabitation devient difficile. Chaque souvenir qu’elle nous conte, de ses premiers pas de petite fille à son parcours de femme mûre, est rattaché à la plage, à un fleuve ou à une ville côtière. Son écriture limpide – non dénuée d’humour – est une promenade à travers son passé. On se sent bien en sa compagnie, comme avec une amie. Simple mais jamais simpliste, profond mais jamais creux, tranquille dans son cheminement mais jamais ennuyeux, c’est un ouvrage dans lequel on a grand plaisir à s’immerger.

Si, comme moi, vous ne connaissez pas encore ces deux auteurs, lancez-vous dans la lecture de ces deux romans ; je gage que vous serez séduit·e·s.

Stéphane Guibourgé, La première nuit de tranquillité, Paris, Flammarion, 2008.

Chantal Thomas, Souvenirs de la marée basse, Paris, Seuil, Fiction et Cie, 2017.

 

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