Miguel de Unamuno : Lettre à Franco

Minute rédigée par Frédérique Doucet

 Le film d’Alejandro Amenábar intitulé, en français, Lettre à Franco[1], propose le portrait des derniers moments d’existence de Miguel de Unamuno, intellectuel et auteur reconnu, recteur de l’université de Salamanque, figure publique incontournable et respectée qui a de solides convictions républicaines et une fervente foi chrétienne.

En juillet 1936, lors du Pronunciamiento de Franco, l’écrivain est déjà vieux et malade. Il a perdu sa femme, une de ses filles et vit avec les deux autres et son petit-fils, Miguelín. C’est un homme de routine qui fabrique des origamis, fait toujours la même promenade en compagnie des deux mêmes amis, et ne mesure pas tout de suite la gravité de ce qui se prépare.

Du courage, il en a eu et il en aura encore, mais le film s’attache à nous montrer un homme qui a aussi ses doutes et ses faiblesses. On a parfois l’impression qu’il est balloté par le vent des évènements.

Heurté par les excès de certains Républicains contre la religion, il a envie d’un peu plus d’ordre et de discipline, ce que le camp nationaliste semble offrir. La main qu’il lui tend est timide et maladroite. Elle est bientôt happée par le loup caché sous le chien débonnaire qui faisait juste mine de rassembler son troupeau.

Il apparaît comme un vieil homme qui souffre, blessé dans ses convictions, son ancienne autorité moquée. Aujourd’hui, ce ne sont pas les livres qui comptent mais la force, pas la parole mais les armes. Il n’a pas su aider ou défendre ses amis quand il le fallait. Sa foi en la justice lui a fait croire qu’ils ne risquaient rien puisqu’ils étaient innocents.

Quand enfin il prend conscience de ses erreurs et de la gravité de la situation qu’il est en train de vivre, il fait un dernier acte héroïque. Il prononce son ultime discours à l’université de Salamanque, en présence des hauts gradés les plus déterminés tel Millán Astray. Ce discours, que de nombreux élèves hispanisants d’autrefois ont étudié : « Venceréis pero no convenceréis ».

Un dernier sursaut pour opposer la réflexion à la violence, l’humanité à la barbarie.

Unamuno est mort quelques mois plus tard. La tristesse de voir son pays sombrer dans le chaos a, probablement, accéléré son trépas.

 

 

Alejandro Amenábar, Lettre à Franco (Mientras dure la guerra), film espagnol, sortie française janvier 2020.

 

[1] À propos des traductions de titres de films espagnols en français, lire la minute « Mais à quels titres se vouer ? » dans la même rubrique.

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