Mais à quels titres se vouer ?

Minute rédigée par Frédérique Doucet

Le titre, c’est comme la devanture d’un magasin. Parfois il présente sans ambigüité la marchandise ; il peut être racoleur, intrigant ou trompeur ; il arrive que seule la lecture de l’œuvre ou la vision du film le rende compréhensible.

Amusons-nous un peu avec des films espagnols ou sud-américains qui sortent dans nos salles.

Parmi ceux que nous avons vus, trois cas de figures : le titre original est gardé tel quel, le titre est en espagnol mais ne correspond pas au titre initial, ou bien il est traduit en français. Bien sûr, je me suis demandée pourquoi tel ou tel choix, quel intérêt pour le spectateur ou le distributeur ? Je vous livre quelques pistes de réflexion illustrées par quelques exemples. (Les films qui ont déjà fait l’objet de Minutes, portent un astérisque).

Le film Rara* de María José San Martín, Monos d’Alejandro Landes ainsi que La Llorona* de Jayro Bustamante, ont été distribués sous leur titre original.

Pour les deux premiers, la traduction française par « Bizarre » ou « Singes » ne semblait ni très attirante ni très éclairante puisqu’elle n’a pas été retenue. Allions-nous voir un film fantastique ? Un documentaire animalier ? Finalement, garder le titre original pouvait être la meilleure solution. Soit le spectateur est hispanisant et il le comprend, soit il ne l’est pas et il n’est pas alors plus dérouté que par la traduction française. Il ne sait pas exactement ce qu’il va voir et ne sera sans doute pas trop désappointé.

Pour les distributeurs ayant opté pour un autre titre en espagnol, deux exemples me viennent à l’esprit. Le film de Santiago Mitre, La Cordillera, devient El Presidente* et La noche de doce años, de Álvaro Brechner est intitulé Compañeros.

Si La Cordillera est un titre facile à comprendre, il ne dit rien du contenu du film. En le nommant El Presidente, on pousse le spectateur à se focaliser sur un homme politique important, et non sur les paysages et les circonstances qui l’entourent. Les Andes, qui servaient de métaphore au vertige du pouvoir, passent alors au deuxième plan. Le film perd le second degré sur lequel le réalisateur voulait insister.

Dans le second cas, il s’agit de gommer le tragique immédiatement annoncé. Cette nuit qui dure douze ans fait allusion à la dictature uruguayenne. Le titre original choisit de plonger le spectateur dans les ténèbres, durablement, sans fin. Le titre Compañeros retenu pour la France est plus bref, plus compréhensible et surtout plus humain. L’accent est mis sur la solidarité, l’amitié, la fraternité qui permet de surmonter les épreuves.

Arrêtons-nous maintenant sur les traductions et, là encore, tous les choix ne sont pas équivalents. Certaines sont presque littérales, Citoyen d’honneur* pour El ciudadano ilustre de Gastón Prats et Mariano Cohn, d’autres s’avèrent bien meilleures que le titre espagnol comme Un coup de Maître* pour Mi obra maestra (du même Gastón Prats), qui prend en compte tous les aspects du film, de l’œuvre picturale à l’escroquerie internationale.

Et enfin, celles qui trompent, donnent une vision erronée du contenu et sont  finalement hors sujet. C’est le cas de Litigante de Franco Lolli traduit par Une mère incroyable. En effet, le rôle de mère est anecdotique pour la protagoniste de ce film. C’est avant tout une femme qui se bat dans sa vie privée, en particulier contre sa mère malade qui n’en fait qu’à sa tête et dans  sa vie professionnelle contre des accusations de corruption dont elle est innocente mais peine à se justifier. Le titre choisi est donc inapproprié et induit le spectateur à attendre autre chose que ce qu’il va voir.

C’est un jeu auquel on peut se livrer à chaque fois que l’on va au cinéma et que l’on a pu pratiquer intensément lorsque l’on a attendu la réouverture des salles obscures.

 

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