Du papier à l’image

Minute rédigée par Frédérique Doucet

Fumeur, buveur, aimant les femmes et fonctionnant aux pressentiments, Mario Conde est un policier atypique. Il se demande, de façon récurrente, pourquoi il a choisi ce métier, sans parvenir à trouver de réponse. Cultivé, amateur de littérature, son rêve secret est d’écrire des histoires policières plutôt que de mener l’enquête sur le terrain. Néanmoins doué dans cette profession abhorrée, il bouscule ses collègues et sa hiérarchie par ses méthodes peu orthodoxes et son intuition digne du plus fin limier.

Mais pour Leonardo Padura, son créateur, Conde est d’abord un prétexte pour nous parler de Cuba.

À travers les affaires que le lieutenant doit résoudre, ce sont les défauts du régime castriste que l’écrivain – ici scénariste1 – met en lumière. Corruption, trafic de drogue, discriminations (surtout contre la  communauté homosexuelle), intromission des autorités afin de purger la police (ou d’autres administrations) de leur « éléments subversifs », omniprésence de l’idéologie (qu’il est bon de respecter pour éviter les ennuis), difficultés de la vie quotidienne (coupures de courant, rationnement des denrées, multiplication des petits boulots pour survivre) ou exil déchirant vers Miami, sont les thèmes principaux ou secondaires de ses œuvres.

Désormais Mario Conde a un visage (le même pour tous, pourrait-on déplorer !), celui du célèbre acteur Jorge Perugorría. Il incarne à l’écran ce personnage plein de doutes et d’assurance, de solidarité et de rancœur contre son prochain, d’amour et de haine pour sa ville et son île.

Dans cette tétralogie, diffusée par Netflix sous le titre global de Cuatro estaciones en la Habana, la capitale cubaine est filmée magnifiquement. Ses rues, ses bâtisses imposantes et délabrées, ses toits en terrasse, tout donne la nostalgie d’une grandeur passée mais néanmoins palpable. La ville est à l’image du policier : pleine de contradictions mais aussi pleine de force pour aller sans cesse de l’avant, dignement, malgré les obstacles.

Cuatro estaciones en la Habana: Vientos de Cuaresma, Pasado perfecto, Máscaras, Paisaje de otoño, Félix Viscarret, série Netflix d’après les romans de Leonardo Padura.

1 : voir la minute intitulée « Une heure avec Leonardo Padura ».

 

 

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