Histoire d’une crapule

Minute rédigée par Frédérique Doucet

index Pierre Dac disait, dans une célèbre boutade, « celui qui est parti de zéro pour n’arriver à rien dans l’existence n’a de merci à dire à personne ». Si Maupassant avait pu connaître cette phrase, il aurait bien ri, lui qui, dans son roman Bel-Ami, nous dresse un portrait à la fois similaire et contraire de son héros Georges Duroy qui, parti de rien mais arrivé très haut, prend bien garde à ne remercier personne pour son ascension fulgurante.

            Il est beau et porte bien sa moustache frisée. D’abord timide et fauché, ce fils de cabaretier et de paysanne normands qui végète dans un maigre emploi aux chemins de fer de Paris va apprendre ce que saisir une opportunité veut dire. Cette opportunité, c’est la rencontre fortuite avec Forestier, un vague ami avec qui il renoue et auquel il s’accroche, telle une sangsue. Forestier, journaliste, lui propose une place dans son journal. Georges, qui ne connaît rien au métier, va voir là l’occasion de se pousser dans la bonne société parisienne. L’ambition qui couve en lui se révèle et n’aura plus de frein.

            Comment grimper, si ce n’est en s’appuyant sur les autres et, si nécessaire, en les écrasant au passage ? C’est surtout les femmes qu’il va exploiter dans son parcours de vainqueur. Aidé en cela par son physique avantageux, celui que la fille de sa première maîtresse a surnommé Bel-Ami prend les femmes, les dorlote un moment, exploite au maximum les possibilités qu’elles lui offrent puis les jette, sans remords ni états d’âme.

            C’est ainsi que l’obscur Georges Duroy devient le baron Du Roy de Cantel, titre aussi faux que les sentiments qu’il professe pour le beau sexe dont il se sert pour assouvir ses ambitions.

            Bel-Ami est en réalité une belle crapule : sans foi ni loi, hypocrite, cupide, avide de reconnaissance toujours usurpée.

            Maupassant nous dresse ici le portrait d’un arriviste détestable, dont le manque de scrupule n’a d’égal que la beauté. Portrait universel et intemporel, car les siècles passent et l’âme humaine demeure la même, avec parfois des fulgurances magnifiques mais souvent, une noirceur extrême.

Guy de Maupassant, Bel-Ami (1885), Paris, Lgf, 1979.

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