Saint François le pauvre et Elie l’ambitieux

Minute rédigée par Frédérique Doucet

indexÀ l’aube du XIIIème siècle, deux personnalités spirituelles mais opposées cohabitent : Elie de Crotone et François d’Assise.

            Dans le portrait qu’ils nous en donnent dans ce beau film, les cinéastes mettent l’accent sur le contraste existant entre L’Ami (Elie de Crotone) et le futur saint (François d’Assise). Physiquement d’abord. François est brun aux yeux noirs, Elie blond aux yeux bleus. Chez le premier, on sent la joie qui l’inonde, la béatitude que lui confère la confiance totale qu’il a en Dieu. Nul doute ne l’effleure. Le second est plus circonspect, sourit du bout des lèvres, semble inquiet et préoccupé.

            Leur positionnement, face à la vie que mène la communauté des frères et à la règle qu’il faut observer, diffère aussi. Là où François ne reconnaît d’autre guide que Dieu et d’autre autorité que la sienne, Elie est plus terre à terre. Il pense qu’il ne peut se soustraire à la volonté de l’Église, même si cela doit les éloigner de la pensée de François. « Sais-tu ce qu’ils font aux hérétiques ? » demande-t-il au futur saint. Pour éviter d’être condamnés comme tels, il est important d’avoir une Règle qui les protège. Pas celle écrite par François, que l’Église rejette comme « bonne pour les cochons. » Trop libertaire, trop accueillante, trop pleine de paroles divines. Quel paradoxe !

            Pour François, ce qui compte, c’est de vivre pleinement, en harmonie avec la nature et les hommes, en toute liberté, dans la pauvreté, sans recevoir d’ordres de quiconque et sans se soucier du lendemain. Il sait que Dieu pourvoira à tout et s’en remet à lui. Elie, au contraire, est plus ancré dans la réalité. Il veut préserver la communauté maintenant et lui donner une chance de se pérenniser. François le compare, à plusieurs reprises, à une mère voulant à tout prix protéger ses enfants. C’est louable, bien sûr, mais en faisant cela il ne peut jouir du présent, tout occupé qu’il est à anticiper de possibles malheurs. François le voit comme un ambitieux qui veut d’abord écrire la Règle puis devenir le chef de la fraternité.

            Ces dissensions vont éloigner les deux hommes l’un de l’autre. Elie souffre, mais il est persuadé que la communauté des frères ne pourra résister que si elle bénéficie de la protection de l’Église. Il écrira donc la Règle, en enlevant les points litigieux et en trahissant, du même coup, la pensée de François. Plus tard, comme le saint homme le lui avait prédit, il deviendra chef de l’Ordre. Ce que François ne pourra pas savoir (sauf s’il le voit depuis l’au-delà), c’est qu’Elie a fait bâtir pour lui la magnifique basilique d’Assise. Sans doute considèrerait-il cela (même si c’est pour vénérer ses reliques) comme une ultime trahison : un palais pour celui qui n’aspirait qu’à vivre dans la plus grande humilité.

Renaud Fely, Arnaud Louvet, L’Ami, François d’Assise et ses frères, sorti en salle le 28 décembre 2016.

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