Los príncipes nubios : le septième ciel des uns est l’enfer des autres

MYXj6jcawxuHPUkKieMcbmGhKiwJ13eN8hjgx6N4w2VRUmrR4VJCSePC31Kgcsw_c344JVw=s85Minute rédigée par Frédérique Doucet

 

Si vous l’interrogez sur sa profession, Moisés Froissard Calderón, le héros de Los principes nubios de Juan Bonilla, vous répondra qu’il sauve des vies. Vous le croirez pompier ou secouriste, à tort. Il est chasseur. C’est, du moins, le terme qu’il utilise dans son jargon professionnel.

Ses terrains de chasse privilégiés : les pays les plus pauvres d’Afrique ou d’Amérique du Sud, les zones où se produisent des catastrophes naturelles, et les littoraux européens, en particulier espagnols, où s’échouent les embarcations de fortune débordant d’immigrés clandestins. Son arme : un sens aigu de l’observation et aussi du bagout. Car son travail consiste à repérer, parmi cette population démunie et souvent désespérée, condamnée à survivre plutôt qu’à vivre, les « pièces » les plus belles. La beauté (elle doit être exceptionnelle) est le seul critère selon lequel Moisés juge qu’une personne est digne d’être sauvée de la vie sordide qu’elle mène et de vivre une « vraie vie » en devenant membre du Club Olimpo pour lequel il travaille.

La pièce – homme ou femme – une fois repérée, souvent avec l’aide d’un policier habilement suborné quand il s’agit de clandestins, Moisés doit user de son pouvoir de persuasion afin de la faire adhérer à son projet : devenir « mannequin » (modelo) dans sa fameuse agence. Si elle accepte, elle sera mise en valeur (vêtements adaptés, chirurgie esthétique si nécessaire) puis subira un entraînement spécial destiné à en faire une « machine » dont le seul but sera de satisfaire les désirs ou les fantasmes de riches clients, prêts à dépenser pour cela un minimum de 500 euros par prestation.

Les « pièces », mot qui revient sans cesse dans le roman, après avoir rempli leur part du contrat qui les a sauvées, sont censées pouvoir quitter le Club Olimpo. Certaines passent de proies à chasseurs et mettent leur expérience au service de leur
employeur. D’autres se suicident discrètement tandis que les chasseurs, sans relâche, parcourent le monde pour « sauver des vies ».

Bienvenue dans une ère où l’humanité progresse, bienvenue au XXIème siècle !

 

Juan Bonilla, Los príncipes nubios, Barcelona, Booket, 2008.

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