Nuit de chine

Minute rédigée par Frédérique Doucet 

MarséConteur hors pair, Juan Marsé, dans El embrujo de Shanghai, sait comme personne nous plonger dans la Barcelone de l’après Guerre civile. Dans ces années difficiles, la misère est le lot de presque tous les habitants, en particulier des enfants. Ne pouvant aller à l’école, ils tentent de gagner quelque argent en vendant des bandes dessinées d’occasion, en commettant des larcins ou, scène cocasse entre toutes, en simulant une crise d’épilepsie pour être pris en pitié et obtenir de la nourriture.

Daniel, le narrateur, est l’un d’entre eux. Il a dû arrêter ses études élémentaires et s’apprête à entrer en apprentissage chez un joaillier. En attendant, il déambule dans la ville en compagnie du capitaine Blay, un vieillard haut en couleur, écologiste avant l’heure, qui lui permettra de rencontrer Suzana.

L’adolescente est tuberculeuse et ne peut quitter sa chambre. Elle ne rêve que de revoir son père, Kim, dont elle n’a plus de nouvelles.

C’est alors qu’arrive Nandu Forcat. Camarade de Kim, ex maquis, il vient sur la recommandation de ce dernier, prendre soin de sa famille en son absence.

Tel une Shéhérazade moderne, il va, soirée après soirée, raconter les tribulations de Kim en Chine, dans la lointaine Shanghai.

Ce récit dans le récit donne son titre à l’ouvrage. Envoûtés, les deux adolescents oublient leur quotidien pour vivre les aventures exotiques, sulfureuses et palpitantes de Kim. Suzana, le temps d’une narration, retrouve son père.

Ce roman amusant et triste, réaliste et onirique, sombre et lumineux, nous enchante tel un sortilège.

Juan Marsé, El embrujo de Shanghai, Barcelone, Debolsillo, 2012.

Juan Marsé, Les nuits de Shanghai, Paris, Christian Bourgois, (traducteur : Jean-Marie Saint Lu), 1995.

El-embrujo-de-Shangai

Vous aimerez aussi...