Marionnettes de cour

Minute rédigée par Frédérique Doucet

Notre imaginaire collectif, souvent nourri de contes depuis l’enfance – de Perrault à Disney – est peuplé de châteaux, de rois soucieux du bien-être de leur peuple, de princes charmants et de princesses adorables et adorées. Aussi ce monde princier a-t-il une connotation positive qui nous fait rêver. Il semblerait, pourtant, que la réalité est toute autre et qu’être de sang royal n’est pas une sinécure très enviable. Le film de Marc Dugain : l’Échange des Princesses, nous montre un épisode historique emblématique du sort réservé à ces jeunes filles de haute lignée. Après de nombreux épisodes difficiles et, surtout, un conflit interminable avec l’Espagne, le régent Philippe d’Orléans a, en 1721, une idée susceptible de mettre fin à la guerre avec ce pays frontalier. Il va donner sa fille, Louise Élisabeth, adolescente belle et frondeuse au fils de Philippe V, le jeune Luis, héritier de la couronne d’Espagne. En contrepartie, le souverain d’outre-Pyrénées va marier sa plus jeune fille, Ana María Victoria, une toute jeune enfant, au futur roi Louis XV, alors âgé de onze ans. C’est ainsi que les puissants vont procéder à l’échange des princesses, destiné à préserver la paix des royaumes. La petite espagnole, d’environ six ans, joue encore à la poupée. Elle doit quitter ses parents et ses frères sans espoir de les revoir et, pour ces derniers, sans même leur dire adieu. Elle est assez naïve pour croire que Louis va l’aimer. Si sa gouvernante et quelques éminentes personnes de la cour la prennent en amitié, il n’en va pas de même pour celui qui sera couronné roi de France à treize ans ! Quant à Louise Élisabeth, elle résiste à la volonté paternelle mais n’a ni le dessus ni le choix. Elle doit quitter la France pour rejoindre un promis qui, dans le film, apparaît comme un grand nigaud, gauche et timide. L’obligation de coucher avec lui pour engendrer un héritier et assurer la pérennité de la lignée, la révolte et lui répugne. Mais, comme le dit une vieille dame qui sait de quoi elle parle, les princesses royales ne sont que de « la chair de mariage ». L’amour ne saurait rentrer en ligne de compte. Il n’est jamais à l’origine d’une union non plus que son but. S’il existe, tant mieux ! Sinon, cela n’a aucune importance. Dans ce film esthétiquement très beau, où presque chaque scène est filmée comme un tableau de maître, dans un chatoiement de couleurs chaudes et de paysages magnifiques, ces royales personnes –les garçons aussi– ne sont que des marionnettes sur la scène politique. On les choisit pour leur utilité, on s’en sert et, quand on n’en n’a plus besoin, on les jette sans états d’âmes. Les enfances sont volées, les personnalités brisées, les sentiments bafoués. Bien loin des contes où les jeunes souverains s’aiment, se marient, ont beaucoup d’enfants et règnent sur un peuple aimant et prospère, le monde des princesses royales est, en réalité, un univers impitoyable !

Marc Dugain, L’Échange des Princesses, film français sorti en salle le 27/12/2017.

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