Minute rédigée par Frédérique Doucet
Il s’en passe des choses dans le quartier de Malasaña !
Avec un humour noir et mordant la romancière Marta Sanz situe les deux courtes nouvelles de son recueil Retablo dans ce quartier emblématique de Madrid.
Extranjeros en un tren (versión amarilla) est l’histoire de deux veuves, la soixantaine passée. L’une, Ana María, vit avec son fils, adulte au chômage au comportement adolescent qui lui mange ses économies, l’autre, Matilde, avec son vieux chien dont la santé décline.
Elles se connaissent sans toutefois se fréquenter. Cependant, une fois quand même, en mal de révélations, elles vont se confier l’une à l’autre, et chacune, à sa manière et incognito, va résoudre les problèmes de sa voisine… Je ne vous dis rien d’autre que « méfiez-vous des petites vieilles à l’air débonnaire ».
Sous son aspect à la fois réaliste et truculent, cette nouvelle nous en dit long sur la société espagnole actuelle, et le regard de Marta Sanz est satirique et sans concessions.
Le deuxième texte Jaboncillos dos de Mayo met en scène trois commerçants traditionnels du quartier : Paco le cafetier, Blas l’antiquaire et Azucena la marchande de fruits. Tous trois se sentent comme des résistants, des tenants de la tradition ancestrale face à l’invasion du quartier par de drôles de nouveaux habitants : les hipsters qui le colonisent, reprennent et transforment les anciennes boutiques afin qu’elles soient propres et pimpantes et attirent à nouveau d’autres envahisseurs.
Nos trois Madrilènes de souche et de choc s’organisent en commando pour lutter contre cette plaie. Leur hargne vise surtout le récent voisin de l’antiquaire qui ouvre une savonnerie artisanale. La lutte est acharnée mais, contre toute attente, le nouveau venu résiste et la marchande de fruits disparaît…
Là encore l’humour noir est au service de la critique sociale, de l’analyse du mal être que peuvent ressentir certaines personnes qui voient leur quotidien et leurs habitudes bouleversés par la modernité.
L’édition espagnole est, de plus, superbement illustrée par Fernando Vicente[1].
Ces textes vous feront rire ou grincer des dents et la langue de Marta Sanz est riche, inventive et alerte.
Si, comme moi, vous ne connaissiez pas cette autrice, je vous engage à la découvrir. Si vous l’aimez déjà, vous la retrouverez avec plaisir.
Marta Sanz, Retablo, Madrid, Editorial Páginas de Espuma, 2019.
[1] Est-il besoin de rappeler des publications régulières dans El País, ses collaborations dans le supplément culturel Babelia, ses « vanités », les couvertures de livres et de disques, ainsi que des illustrations de plus de vingt livres, visant à la fois les enfants, les jeunes et les adultes entre autres ?