Bienvenue en Colombie !

Minute rédigée par Frédérique Doucet

 C’est ce qu’en espagnol on appelle un culebrón,  un feuilleton fleuve. Même si je ne suis pas parvenue au bout des 90 épisodes de la saison 1, je pense être en mesure d’évoquer cette série colombienne au titre évocateur : Sin senos no hay paraíso. Je ne connais de la Colombie que ce que m’en ont montré la littérature, les films ou les documentaires. Cependant, peu importe la source, l’impression reste la même : une société martyrisée par la violence, le narcotrafic, la corruption, la recherche effrénée et sans pitié du pouvoir, quels qu’en soient le moyen et le prix à payer ou à faire payer.

Cette série ne déroge pas au portrait que je viens de dresser. Très manichéenne et théâtrale, elle oppose une femme toute puissante, sorte de Pablo Escobar au féminin surnommée « la Diabla », à une famille pauvre et digne sur laquelle elle s’acharne depuis toujours.

Pour le spectateur français, cette série – même si elle est sans doute caricaturale – est une fenêtre qui s’ouvre sur la société colombienne qu’il connaît peu. Une société très genrée d’abord. Dans le milieu interlope où les épisodes se déroulent, celui des élites corrompues et de la mafia liée à la drogue, la femme est le faire-valoir de l’homme. Elle est son objet (la plupart du temps une prostituée de luxe) et plus elle est belle, élégante, avec des seins prodigieux, plus son amant est fort, puissant, dominateur.

Pour « réussir », la femme doit accepter de refaire son corps (il convient rarement aux exigences fixées par les mâles) et de se soumettre. En contrepartie, elle sera couverte de bijoux, entretenue comme une princesse et partagera un peu de l’aura de son seigneur. C’est donc ça le paradis qui attend les femmes aux beaux seins.

C’est aussi une société violente et corrompue où la justice, la police, les autorités carcérales se plient à la volonté des potentats, sont à leurs bottes et bafouent sans vergogne les droits des plus faibles. Le recours au crime n’est qu’un moyen banal et pratique pour parvenir enfin à une société muselée par la peur (des représailles, des attentats, de la diffamation etc.) où le silence est la règle et où il faut un courage de super héros pour résister et faire entendre une voix discordante.

Si on en restait là, nous aurions une idée bien triste et bien terrible de ce pays magnifique. La série s’attache donc à montrer aussi des gens de bien, qui partagent des valeurs et pour qui la solidarité, l’amitié ou l’amour ne sont pas que des mots. Des gens qui croient qu’un monde meilleur et plus juste est possible et qui luttent et résistent pour le faire advenir.

Cette série, une collaboration américano-colombienne, est en fait la troisième version tournée à partir du roman de Gustavo Bolivar intitulé, plus abruptement, Sin tetas no hay paraíso. La première, colombienne et conservant le titre original de l’œuvre, date de 2006. Son succès éclatant lui valut un remake espagnol tourné en 2008, toujours avec le même titre. Il faut croire que ce sont les Nord-Américains, plus prudes, qui ont imposé le terme plus consensuel « senos » !

Quant au romancier Gustavo Bolivar, observant l’évolution de la société de son pays, il a écrit un nouvel opus intitulé : Sin tetas sí hay paraiso en 2015.

Sin senos no hay paraíso, Série Netflix.

 

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