Oxymore

Minute rédigée par Frédérique Doucet


S’il est un lieu propice à enfouir des secrets, c’est bien la Patagonie. Les cinéastes argentins ne s’y trompent pas. Ils sont nombreux à donner cette région, profonde et mystérieuse, éloignée de tout, battue par les vents, transformée par la neige, pour cadre à leurs intrigues.

     Nieve Negra, le film de Martín Hodara que je veux évoquer, est l’oxymore parfait. La neige, immaculée, recouvre tout, amortit tout, fait disparaître toutes les traces. Tant qu’on n’y touche pas, elle brille sous le soleil, semble paisible et agréable dans sa froidure. Mais si on la dérange, si on marche dessus, alors elle se délite, se transforme en boue noire et révèle ce qu’elle cachait. Aucun secret, fût-il enfoui profond, n’est jamais à l’abri. Les secrets de familles moins que les autres.

À la mort de leur père, Marcos, bien à contre cœur, doit aller retrouver son frère ainé Salvador en Patagonie. Il s’agit de régler la succession. Le terrain occupé par Salvador doit être vendu et il vaut beaucoup d’argent.

Dans ce périple, Marcos est accompagné par sa jeune femme qui est enceinte. Du passé de son mari, elle ne connaît que quelques bribes : la mère dont il ne reste qu’une seule photo et dont on ne saura rien, le jeune frère mort dans un accident de chasse et la sœur, enfermée dans une maison de santé.

Salvador – un Ricardo Darín méconnaissable – mi-homme mi-ours, vit dans l’antique chalet paternel où le vent s’engouffre et gémit comme une plainte sans cesse renouvelée.

Mêlant l’action actuelle à d’habiles flashes back, le cinéaste construit et reconstruit pour le spectateur  l’histoire tragique de la famille. Par petites touches, nous approchons de la vérité. Nous découvrons ce qui se cache derrière les apparences. Nous comprenons l’ambigüité de la nature de la neige, blanche ou noire ? Un secret se révèle, un autre va le remplacer. La noirceur de l’hypocrisie et de l’intérêt sera bientôt recouverte. Pour combien de temps ?

Avec peu de moyens, juste avec la puissance de la nature et le jeu subtil des acteurs, ce film nous entraine et nous envoûte. Son dénouement, complètement inattendu, nous montre que l’être humain est comme un domino : bicolore. Le noir et le blanc sont indissociables.

Nieve Negra, Martín Hodara, film argentin 2017 (disponible sur Netflix sous son titre anglais Black Snow).

 

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