Collision

Minute rédigée par Frédérique Doucet

C’est un cliché de dire que les adolescents d’aujourd’hui sont rivés à leurs téléphones, ordinateurs et autres consoles de jeux vidéo.

Maintenant, prenons plutôt le sens du mot cliché selon la photographie (l’ancienne, l’argentique) : une petite épreuve acquise à partir d’un négatif, lui-même obtenu par une capture de la réalité.

De même qu’il n’y a pas de fumée sans feu, il n’y a pas de cliché sans réalité.

Et c’est ce que Alfredo Gómez Cerdá, l’auteur de ce bref roman intitulé El rostro de la sombra réalise en faisant se rencontrer deux réalités parallèles dans un hic et nunc tragique.

Dans la première, appelée paradoxalement réalité virtuelle, se complaisent Borja, Claudio y Adrián, les trois adolescents de l’histoire. Celle des jeux vidéo dans lesquels la même scène se rejoue à l’infini, où les personnages ne meurent pas mais perdent des points de vie qui peuvent, comme par miracle, se renouveler dans la partie suivante. La réalité virtuelle est un jeu où rien n’a de véritable conséquence, où tout recommence, où l’on a toujours une deuxième, voire une troisième chance de réussir l’étape et de garder la vie sauve.

Si cette « réalité » reste cantonnée à sa place, dans son rôle de divertissement, tout va bien. Or, ce n’est pas ce qui se passe avec nos trois jeunes madrilènes un soir où, imbibés d’alcool, ils veulent la tester «  sur le terrain », en filmant pour les réseaux sociaux un accident qu’ils ont eux-mêmes provoqué, se heurtant violemment à la vraie réalité.

Si la première voiture s’en sort indemne, la seconde a moins de chance et là, il n’y a pas de touche « reset ». La réalité, la vraie, est entrée en collision avec le jeu et il va falloir assumer… ou pas.

C’est tout l’intérêt de ce roman que de nous montrer comment Borja, le « chef » de ces adolescents (que les conséquences de l’accident vont toucher directement), va se débattre avec cette situation, y impliquer ses amis et sa famille et, comme dans un jeu vidéo, tenter de s’en sortir indemne… quel qu’en soit le prix.

Alfredo Gómez Cerdá, El rostro de la sombra, éditions SM, 2011.

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