Sous le sable, un trésor

indexhgfdgMinute rédigée par Frédérique Doucet

Écrit en 1939, Terre des Hommes est un ouvrage hybride, entre récit autobiographique et méditation philosophique.

Dans une langue magnifiquement scandée, empreinte de réflexion profonde et de poésie, il contient déjà en germe tous les thèmes qui feront la gloire du Petit Prince.

Antoine de Saint-Exupéry évoque ses débuts dans l’aviation postale encore balbutiante. Survolant le Sahara et ses menaces (la chaleur, la soif, les rebelles Touaregs qui n’hésitent pas à capturer et tuer des otages), il se voit comme un trait d’union entre les hommes. Il transporte le précieux courrier, lettres d’amour et lettres d’affaires qui doivent, à tout prix, parvenir à leurs destinataires et donnent une raison de braver les dangers.

Et des dangers, comme les meilleurs de ses camarades (Guillaumet, Mermoz), il en a connus. Échoué au milieu du désert avec son mécanicien, sans nourriture et surtout sans eau pendant plusieurs jours, il lui en a fallu du courage pour survivre. Cependant, lorsque Saint- Exupéry songeait à sa mort, ce n’est pas à lui-même qu’il pensait, mais à sa famille, à sa femme. Ceux-là étaient les véritables naufragés, ceux qui attendaient, impuissants, son retour et souffraient de ne pouvoir rien faire. Pour le pilote, se laisser aller à une mort rapide, en se couchant sur le sable, par exemple, c’eût été les trahir. Il souffrait de leur souffrance et cela lui a donné la force de continuer, de marcher jusqu’à retrouver des hommes et être sauvé. Saint-Exupéry pourrait reprendre à son compte les paroles de Guillaumet après son calvaire dans les Andes : « Ce que j’ai fait, je te le jure, aucune bête ne l’aurait fait », et être simplement fier d’y être parvenu, sans aucune vanité, simplement avec le sentiment d’avoir fait son devoir, pour les siens et pour les camarades, si importants dans le métier.

Dans les moments de lucidité que lui laisse son épreuve saharienne, « perdu à mille miles de toute terre habitée », comme le dira le Petit Prince, l’écrivain trouve encore la force de s’intéresser aux traces d’un fennec, de méditer sur la douceur d’un puits ou d’évoquer des roses.

Et nous, lecteurs, sommes si heureux que des hommes aient sauvé cet homme, qu’ils se soient faits le trait d’union entre nous et lui. Car désormais le renard, la rose, le puits qui chante et les volcans éteints de l’Astéroïde B 612 sont dans notre cœur, comme le plus précieux des trésors. Car c’est ce qu’il nous a laissé celui qui, modestement, se comparait au paysan nourrissant son prochain du fruit de son travail.

Si nous lisons Terre des Hommes et Le Petit Prince à nos enfants, si nous leur faisons découvrir la profondeur de la pensée et la magnifique humanité de Saint-Exupéry, nous aussi serons des traits d’union et de dignes héritiers de cet écrivain-poète.

Antoine de Saint-Exupéry, Terre des Hommes, Paris, Gallimard, 1939.

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